La naissance prématurée d’un bébé est souvent vécue comme un temps volé. C’est aussi un choc psychique : cela se passe le plus souvent dans l’urgence. Pour les parents, le temps est suspendu, comme une respiration qui se retient. Ils sont précipités, comme l’enfant l’est au dehors du ventre maternel, dans un événement impensable. Des sentiments d’irréalité, des sensations de rupture et d’arrachement peuvent s’inscrire dans le corps de la mère et l’angoisse de mort est souvent au premier plan.
Quand j’ai perdu les eaux, j’ai tout imaginé comme un film en accéléré. Et j’ai pensé : s’il meurt ou est handicapé, comment va-t-on faire ? Et puis après, tout s’est emballé
La naissance de l’enfant dans ces conditions de prématurité et d’urgence peut donner le sentiment d’avoir vécu un non évènement, qui génère un sentiment de vide sidérant. Tel père dira : « Ma femme a eu des contractions très rapprochées ce qui fait que nous sommes partis à la maternité, très inquiets évidemment. Le bébé ne pouvait pas naître déjà, c’était trop tôt ! Et puis tout a été tellement vite… Le bébé était là, on a pu le voir un peu et puis j’ai vite compris que ça n’allait pas. Il y a eu plusieurs personnes qui se sont précipitées et ils ont fermé la porte, plus rien. On s’est retrouvé tous seuls. »
Les sentiments de perte sont intenses, les mères souvent pleurent ce temps qui devait se vivre et permettre de préparer physiquement et psychiquement l’arrivée de l’enfant. Préparer le nid ne peut plus se faire, il reste un sentiment d’inachevé ainsi que d’arrachement, de perte, de rapt : si le temps de la naissance est une séparation, là, elle ne peut s’élaborer car le bébé né n’a pas encore été pensé, seul le bébé in utero existe pour le psychisme.
Le rôle du père est bouleversé : il devient les premières heures, parfois les premiers jours, celui qui fait le lien entre le bébé et sa mère, séparés physiquement.
La découverte du service de néonatalogie avant même l’entrée dans la chambre de l’enfant est une expérience qui est chargée d’angoisse liée notamment au sentiment d’étrangeté, à la découverte de l’inconnu et, pendant parfois de nombreuses semaines, aux craintes liées au risque vital pour leur bébé. Surtout, les parents savent que leur enfant est là, petit être en survivance mais ne savent pas à quoi il va ressembler. Au premier contact, il n’y a ni le regard, ni le toucher, n l’odeur, ni la chaleur… Les parents n’ont aucun repère, n’osent pas quoi faire, le bébé semble bien trop vulnérable et étrange.
Le permettre de retrouver le souvenir du premier contact qui a existé, même une seconde, à la naissance (un regard, une mise en peau à peau même extrêmement courte, avoir vu la couleur des cheveux, une main…) remet un peu de lien là où il y a un sentiment de rupture douloureux.
Il est tellement petit et maigre… Je ne sais pas quoi faire. Il y a toutes ces machines, je ne comprends rien.
Et puis commence l’accompagnement des infirmières et des puéricultrices pour guider les pères et les mères afin de leur permettre de se sentir moins perdus, de savoir ce qu’ils peuvent faire pour entrer en contact avec leur bébé.
« Être avec » eux est ce qui les aide à faire diminuer en eux sentiment de culpabilité puis sentiment de dépossession et ambivalence des liens. Et aider les parents à trouver une place dans cet environnement si médicalisé et impressionnant.
Une maman parle du fait de tirer son lait. « à part être là, c’est la seule chose que je peux faire pour elle. Je ne sais même pas si elle sait que je suis sa mère… ». Faire exister le fil fin de ces premiers lien pour soutenir l’attachement…