Je veux partir loin et me dire qu’ailleurs tout ira bien…
…exprime, effondrée, cette femme dont le bébé est mort in utero à 7 mois de grossesse et qui voudrait pouvoir fuir cette réalité insoutenable, celle de la perte de son bébé vécue comme la perte d’elle-même, « une partir de moi, la chair de ma chair est partie ». Cette expérience déréalisante « j’ai le sentiment de devenir folle… de ne plus être dans mon corps, mais à côté » fige sa pensée « je fais les choses comme une automate, je suis déconnectée du monde réelle ».
Se ressentant intensément coupable d’avoir pris la décision avec son mari d’interrompre une nouvelle fois sa grossesse pour raisons médicales, cette autre femme affirme : « J’ai ressentie cet accouchement douloureux comme une punition, comme si il fallait que je paye la mort de ma fille ». Chaque perte creuse un peu plus sa blessure narcissique de ne pas pouvoir accéder au statut de mère.
Je ne suis pas capable d’avoir un enfant en bonne santé, je n’arrive pas à être une vraie maman
Solitude, impossibilité de partager sont des mots fréquents dans le discours des parents. Comme cette jeune femme tout juste rentrée de la maternité qui exprime tristement « je suis fan au silence de mon mari, de ma famille… à qui parler ? et parler de quoi ? un bébé qui n’est même pas né… »
Comment faire le deuil de cet enfant trop tôt disparu ? « J’ouvre le placard pour avoir l’odeur de ses vêtements, même si elle ne les a pas porté », raconte cette femme qui n’a pas de souvenirs auxquels se raccrocher « sa photo… c’est tout ce qu’il me reste ». Ou bien encore cette autre femme qui face au sentiment de vide exprime le désir d’une nouvelle grossesse.
J’ai envie de retomber enceinte tout de suite…
Ces témoignages soulignent les profonds bouleversements émotionnels que provoque l’expérience traumatique de la perte périnatale, quand la mort surgit dans un temps normalement dévolu à la vie : sentiment d’abandon, d’incompétence, culpabilité, honte, perte d’une partie de soi, replie… Ces femmes, ces hommes, ces couples sont confrontés à une double perte, celle de leur enfant et celle d’une partie d’eux-mêmes. Leur travail de deuil est souvent difficile car le passage trop bref de cet enfant dans leur vie ne laisse que peu de traces, de souvenirs, de vécu ensemble et peut amener la culpabilité de ne pas avoir pu donner la vie. Leur souffrance peut être aggravée par l’entourage ou la société qui considèrent parfois la mort périnatale comme un non-avénement et donc un non-événement.
Si la grossesse mobilise des mouvements psychiques bien particuliers, la rencontre brutale avec ceux mobilisés dans la perte périnatale, oblige ces femmes et ces couples à des remaniements psychiques intenses et douloureux qui ont besoin d’être entendu, contenu et compris. L’écoute bienveillante, emphatique et neutre d’un professionnel peut aider à l’élaboration de cette expérience traumatique.